Taxis à Hydrogène :

Premiers ambassadeurs et premières victimes

19 mai 2025

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Photo CFTC TAXIS DR

Depuis plusieurs semaines, une situation inédite dans le secteur du taxi à hydrogène soulève des interrogations. Des centaines de chauffeurs salariés, employés par l’opérateur Hype, se retrouvent dans l’impossibilité d’exercer leur métier. En cause : la perte d’accès aux stations de recharge exploitées par la société Hysetco, principal gestionnaire d’infrastructures hydrogène à Paris et en Île-de-France.

Une technologie prometteuse, mais une dépendance logistique forte

L’hydrogène a longtemps été présenté comme une alternative prometteuse pour les véhicules à usage intensif, en particulier les taxis. Grâce à son temps de recharge court et son autonomie élevée, cette technologie a séduit plusieurs flottes professionnelles, dont celle de Hype, qui a mis en service depuis 2015 plusieurs centaines de véhicules à hydrogène, principalement des Toyota Mirai.

Mais ce modèle repose sur un maillon indispensable : l’accès continu et sécurisé aux stations de recharge. Lorsque cet accès est suspendu, c’est toute l’activité qui s’arrête.

Un accès bloqué malgré les garanties financières

 

Depuis le 25 mars 2025, Hype ne dispose plus d’accès aux stations Hysetco. La CFTC Taxis a été saisie par de nombreux chauffeurs confrontés à l’impossibilité de travailler et à une perte brutale de revenus. En tant qu’organisation syndicale représentative, elle a immédiatement sollicité des explications auprès de l’employeur.

Selon les informations communiquées par la société Hype, celle-ci aurait versé des sommes importantes et fourni toutes les garanties financières nécessaires pour maintenir l’accès à ces infrastructures. Des documents ont été transmis, attestant de virements réalisés à destination de Hysetco. Malgré cela, les stations restent inaccessibles aux véhicules de Hype, bloquant toute reprise normale de l’activité pour les chauffeurs salariés.

Un enjeu social majeur

Ce sont aujourd’hui plusieurs centaines de salariés engagés dans la transition énergétique qui se retrouvent sans outil de travail. Ces chauffeurs, souvent exemplaires dans leur appropriation d’une technologie encore émergente, sont durement touchés par un blocage dont ils ne sont ni responsables, ni acteurs.

Le caractère soudain et non anticipé de cette situation soulève des inquiétudes sociales profondes. Nombre de ces professionnels avaient fondé leur reconversion ou leur stabilité professionnelle sur cette technologie. Aujourd’hui, certains sont en arrêt, d’autres sans affectation, dans l’attente d’une issue.

La station de la Porte de Saint-Cloud, l’une des principales concernées, a été inaugurée en 2024 comme la plus grande station hydrogène d’Europe. Elle a bénéficié de 6,9 millions d’euros de subventions publiques, provenant notamment de l’ADEME, de l’Union européenne, de la Région Île-de-France et d’Île-de-France Mobilités.

Ces fonds ont été alloués dans le cadre de politiques d’intérêt général, avec pour objectif de favoriser une transition énergétique accessible et équitable. Le fait que cette infrastructure ne soit plus accessible à une partie de la filière, en l’occurrence des taxis à hydrogène, soulève la question du respect des engagements liés à ces financements.

Le droit européen encadre les abus de position dominante :

Au-delà de l’impact social, cette situation appelle également un risque juridique. En droit européen, l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit à une entreprise en position dominante d’exploiter cette position pour restreindre l’accès au marché ou à des infrastructures essentielles, sauf justification objective.

Si le refus d’accès n’est pas justifié et qu’il nuit à un acteur concurrent, tout en impactant directement des salariés et des usagers, une infraction aux règles de la concurrence pourrait être invoquée.

L'avis de la CFTC Taxis :

Plusieurs institutions, dont l’ADEME, la Région Île-de-France et les ministères concernés, ont été interpellées. Notre syndicat appelle à une médiation urgente, et des démarches sont en cours auprès du ministère des Transports.

Au-delà du différend interentreprises, cette situation met en lumière un déséquilibre criant : les salariés, pourtant au cœur de la mise en œuvre de cette mobilité propre, en sont aujourd’hui les premières victimes. Alors que les ambitions industrielles pour l’hydrogène se heurtent à la complexité de leur mise en œuvre, la cohérence sociale devient un impératif.

La transition écologique ne peut réussir sans justice sociale. Si l’hydrogène a encore un avenir dans la mobilité professionnelle, il passe aussi par des conditions de déploiement équitables, transparentes, et respectueuses des acteurs qui portent cette innovation au quotidien.

 

La CFTC Taxis

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